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Les compétences linguistiques :
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de Leanne Miller En janvier 2003, la version finale du rapport du groupe de travail provincial sur les élèves à risque a sonné l'alarme : il faudra travailler d'arrache-pied, sinon beaucoup d'élèves n'obtiendront pas leur diplôme et deviendront de jeunes adultes désabusés et sans avenir. Les preuves sont là. En 2002, seulement 72 % des élèves de 10e année qui ont subi le Test provincial de compétences linguistiques (TPCL) l'ont réussi du premier coup. La même année, 85 % des élèves qui se sont représentés (parce qu'ils avaient échoué la première fois) ont réussi. Comme ce test est un préalable au diplôme d'études secondaires, près du quart des élèves ontariens courent le risque de ne pas obtenir leur diplôme. Ces résultats sont loin de soulager les enseignants, qui s'inquiètent déjà des tests normalisés. Dans un sondage de l'Ordre des enseignantes et des enseignants de l'Ontario et de COMPAS effectué en juillet 2003, 85 % des enseignants ont affirmé que les tests normalisés découragent les élèves, 90 % estiment qu'ils n'améliorent pas l'apprentissage et 88 % jugent qu'ils ne mesurent pas les progrès des élèves. «Beaucoup d'élèves qui ont de la difficulté avec le TPCL sont très doués pour apprendre, mais perdent leurs moyens ou paniquent en situation d'examen, surtout lorsque les enjeux sont aussi grands», explique Kerry Stewart, chef du projet de compétences linguistiques au conseil scolaire du district de Limestone et membre du panel du gouvernement de l'Ontario sur l'aptitude à lire, à écrire et à compter. Sans considérer le but et l'efficacité de ces tests, M. Stewart ajoute : «Lorsque nous avons constaté que plus de 60 000 élèves risquaient de ne pas obtenir leur diplôme, nous savions qu'il fallait agir et vite.» Les éducateurs continuent de travailler d'arrache-pied pour trouver des solutions. En 2003, les panels sur l'aptitude à lire, à écrire et à compter et sur les itinéraires d'apprentissage (initiatives de transition de l'école au travail) ont formulé des recommandations pour aider les élèves à risque. (Le rapport du panel sur l'aptitude à lire et à écrire a été publié en octobre.) Les conseils scolaires ont même créé des postes de chef de projet pour coordonner les stratégies et soutenir les élèves à risque. Au cours des mois à venir, la tâche de ces chefs de projet sera de mettre en pratique les recommandations des panels. Les résultats des tests, affichés dans le site web de l'Office de la qualité et de la responsabilité en éducation (www.eqao.com), identifient les lacunes. Quatre-vingt-cinq pour cent des élèves des cours théoriques ont réussi le test, contre 38 % des élèves des cours appliqués. Soixante-quinze pour cent des filles ont réussi, contre 68 % des garçons. Devona Crowe, surintendante de l'éducation qui vient de prendre sa retraite du conseil scolaire du district catholique de Thunder Bay, propose une explication : «Notre système scolaire repose sur l'apprentissage passif, ce qui convient davantage aux filles qu'aux garçons. Les notions abstraites intéressent plus les filles que les garçons. Pour capter l'attention des garçons, il faut davantage de travaux manuels et d'exercices techniques.» Les bonnes méthodes d'enseignement des compétences linguistiques profitent à tous, pas seulement aux élèves à risque. Partout dans la province, les éducateurs donnent un coup d'épaule. Le cours de compétences linguistiques comme solution de rechangeEn septembre, le Ministère a instauré un cours de compétences linguistiques pour les élèves de 12e année dans certaines écoles et l'offrira dans la majorité des écoles au prochain semestre. Les aptitudes de lecture et d'écriture que le test normalisé exige constituent la base d'enseignement et d'évaluation du cours. Les élèves de 12e année qui avaient échoué le test à deux reprises, mais qui réussiront ce cours, qui donne droit à un crédit d'anglais de 12e année, répondront aux critères de compétences linguistiques établis pour l'obtention du diplôme. M. Stewart nous explique la situation : «La priorité numéro un du conseil scolaire de Limestone, comme beaucoup d'autres conseils, était la mise sur pied du cours de compétences linguistiques. Premièrement, nous avons identifié les élèves de 12e année qui ont échoué le test. Ensuite, nous nous sommes assurés qu'ils étaient inscrits au test de l'automne, si c'était la meilleure solution, et leur avons donné du tutorat. Les nombreux élèves à qui le test ne convenait pas ont été inscrits au cours de compétences linguistiques.» Dès le début de l'année scolaire, les enseignants de Limestone désignés pour donner le nouveau cours de compétences linguistiques ont reçu une formation en enseignement de la lecture et de l'écriture. Ils ont bénéficié de temps de planification pour préparer de la documentation, des plans de cours, du matériel d'évaluation et une présentation uniformisée. Barbara Halliday enseigne les compétences linguistiques au Queen Elizabeth Collegiate and Vocational Institute de Kingston et Michelle Kehoe à l'école secondaire Ernestown d'Odessa. Au début, ces deux enseignantes d'anglais se sont senties visées. «Je me demandais qui m'en voulait, raconte Mme Halliday en plaisantant, mais maintenant j'adore ça. C'est le meilleur plan de cours que j'ai lu.» «Les élèves aiment ce cours. Ils savent qu'il est fait pour eux et ils sont motivés. C'est leur dernière chance et ils le savent», ajoute Mme Kehoe. Réussite pour la majorité des élèves, sinon tousMme Halliday explique en quoi ce cours diffère des cours de littérature anglaise traditionnels. «On oublie Shakespeare et les romans. Les élèves lisent des nouvelles passionnantes et des journaux et, parfois, ils choisissent leurs lectures. Ils lisent sur des sujets pertinents et cela les motive à lire plus que jamais.» «J'utilise diverses stratégies, comme la prélecture. Je réduis les activités en petits blocs et je les fais lire à l'envers pour trouver du vocabulaire», ajoute Mme Kehoe. Les élèves de Shalane Lowry à l'école secondaire du district de Napanee comparent ce cours et l'anxiété de subir le test. «C'est impossible d'étudier en prévision du test, affirme un élève, je suis trop stressé. Dès qu'il manque un élément, on perd tous les points. C'est injuste.» Un autre élève ajoute : «Pour relaxer, il me faut de la musique, mais c'est interdit. J'ai tapé des doigts pour me détendre, mais je me suis fait dire d'arrêter. Ça n'a pas bien été. Ici, quand je suis nerveux, je peux écouter de la musique ou marcher un peu et ça m'aide à me concentrer.» Voici comment Lowry explique la différence entre le test et le cours : «Le cours est axé sur la méthode, tandis que le TPCL est axé sur le produit.» Reaching HigherLe site web Reaching Higher (www.reaching-higher.org) est l'une des centaines d'initiatives ontariennes de compétences linguistiques lancées au cours des trois dernières années. Judith Taylor, coordonnatrice du projet de compétences linguistiques au conseil scolaire du district de Peel et membre d'une équipe réunissant plusieurs conseils scolaires qui ont collaboré à la création de Reaching Higher, affirme que les ressources disponibles dans le site, soit une série de documents pratiques et prêts à utiliser, servent de point de départ aux équipes multidisciplinaires. Ces ressources sont à la disposition des conseils scolaires de partout en Ontario. Ils donnent aux enseignants des méthodes d'enseignement et d'apprentissage destinées aux élèves de la 6e à la 9e année dont les compétences en lecture, écriture et communication sont de niveau 1 ou inférieur. On peut lire dans le site que «les compétences linguistiques relèvent de tous les enseignants et que toutes les matières se prêtent à l'apprentissage de ces compétences». Pour aider les enseignants à s'acquitter de cette responsabilité envers les élèves à risque, le ministère de l'Éducation a conçu un vidéo de perfectionnement professionnel accompagné d'un guide et en a distribué un exemplaire à la direction de chaque conseil scolaire. Appui universitaire et tutorat entre élèvesLe conseil scolaire du district de Limestone a mis à contribution ses liens étroits avec l'Université Queen's. Depuis deux ans, les étudiants de la Faculté d'éducation qui veulent travailler avec les élèves du secondaire (et les étudiants de premier cycle qui veulent s'inscrire à une faculté d'éducation) reçoivent une formation de tuteur en compétences linguistiques et sont rémunérés par le conseil scolaire local. Les tuteurs sont embauchés à l'automne et aident les élèves à risque à se préparer au TPCL. Puis, ils reviennent en mai et en juin pour compiler les données sur les élèves à risque, notamment identifier leurs forces et leurs faiblesses et trouver des moyens de les aider à se préparer. Limestone a aussi recours au tutorat entre élèves. Anne Marie McDonald, consultante en compétences linguistiques pour les élèves de la 7e à la 12e année, nous explique comment ça fonctionne : «Les plus vieux reçoivent une formation dès septembre. Ils apprennent des stratégies d'enseignement de la lecture et de l'écriture semblables à celles employées par les enseignants de l'élémentaire. C'est une tâche qui exige de la rigueur et beaucoup d'effort; c'est pourquoi ces élèves ont droit à un crédit.» Beaucoup d'élèves veulent eux-mêmes devenir enseignants. Le tutorat des élèves de 9e année a lieu en automne, ce qui nous permet de déterminer qui aura besoin d'aide supplémentaire. Tests préparatoiresDe nombreux conseils scolaires font subir des tests préparatoires aux élèves de 10e année. Certains commencent plus tôt. Cet automne, tous les élèves de 8e année de Limestone ont subi un test préparatoire visant à déterminer s'ils avaient acquis les compétences requises à la fin de la 7e année. Les enseignants vont utiliser les résultats pour orienter le programme en fonction des forces et des faiblesses des élèves. Ils s'en servent aussi pour déterminer à quel point les élèves sont prêts à subir des tests aux enjeux importants et s'ils assimilent les compétences linguistiques requises. Nouveau calendrierEn septembre 2001, André Labrie, directeur de l'école secondaire La Salle à Kingston, a mis à l'essai un nouveau calendrier. Au lieu de quatre périodes de 75 minutes, l'école a prévu quatre périodes de 60 minutes, plus une période multidisciplinaire (PMD) de 60 minutes.
Les élèves suivent leurs quatre cours habituels chaque jour, plus une heure d'étude supervisée. Il y a un enseignant par groupe de 30 élèves. La PMD s'adresse aux élèves de toutes les années, peu importe leur niveau de compétences linguistiques. Leur choix de cours détermine leur calendrier et la PMD s'ajoute aux cours habituels. Chaque PMD commence par 20 minutes de lecture ou d'écriture en silence, la lecture étant reliée à une matière ou à un sujet d'intérêt personnel. Ensuite, les élèves travaillent seuls ou en petits groupes. Ils font leurs devoirs, rattrapent leur retard ou se font aider dans une matière. Ils peuvent aussi se rendre à une autre PMD, que ce soit un atelier de science ou d'informatique, ou du travail de bibliothèque. Michael Howe, directeur adjoint, nous explique comment ça se passe : «Plusieurs PMD ont lieu tout au long de la journée. Elles sont réparties de manière à ce qu'il y ait toujours des enseignants des matières de base (anglais, mathématiques, sciences sociales et sciences).» «Si les élèves ont besoin d'aide en mathématiques, ils n'ont qu'à s'adresser à un enseignant de mathématiques, mais ils peuvent aussi assister à un atelier d'informatique ou participer à d'autres projets à l'atelier de menuiserie.» Les PMD sont idéales pour les élèves qui ont besoin d'aide. Certains préfèrent le tutorat entre élèves, dont la vocation première est l'amélioration des compétences linguistiques. M. Labrie souligne qu'il ne s'agit pas d'une salle d'étude. «L'apprentissage est notre principale motivation. Nous habituons les élèves à se concentrer pendant une heure tous les jours et leur donnons du temps pendant la journée pour assimiler la matière.» «Les PMD visent à faciliter l'assimilation des connaissances, à combler les lacunes et à élargir les horizons des élèves. La journée à cinq périodes, incluant les PMD, procure plus de souplesse que jamais. Les PMD ont favorisé le dialogue sur l'enseignement et l'apprentissage, en particulier en ce qui concerne les élèves à risque.» M. Labrie est très fier de deux indicateurs de réussite. «Premièrement, les résultats de nos élèves au TPCL se sont nettement améliorés : 86 % ont réussi le TPCL en 2002, contre 57 % en 2001. Deuxièmement, l'école La Salle appartient au conseil scolaire qui a le pourcentage de réussite le plus élevé parmi les élèves des cours appliqués. Notre objectif est de prendre en charge la totalité des élèves de l'école et nous y consacrons tous nos efforts.» Ces résultats sont très motivants. Les enseignants de l'école La Salle ont plus de contacts avec leurs élèves et passent 15 minutes de plus en classe chaque jour que les enseignants de la plupart des écoles dont l'année scolaire est divisée en semestres. Malgré cela, plus de 90 % des enseignants ont voté en faveur du maintien du programme. Personnes-ressources en compétences linguistiquesLe conseil scolaire du district de York a assigné un enseignant additionnel, appelé personne-ressource en compétences linguistiques, par groupe de dix écoles. Ces personnes-ressources aident leurs collègues et donnent des cours de perfectionnement professionnel pour améliorer les compétences linguistiques des élèves de 9e et 10e année. Ils participent à la planification et aux cours pour que les enseignants des différentes matières intègrent les stratégies d'assimilation de compétences linguistiques au curriculum. «Ces stratégies améliorent le contenu des cours et leur donnent une valeur ajoutée», explique Cathy Costello, coordonnatrice du programme de compétences linguistiques de York. Mme Costello s'appuie sur des recherches qui ont démontré que les élèves de 9e année découvrent jusqu'à 2 000 nouveaux mots pendant l'année. Elle soutient que des aides aussi simples que du vocabulaire affiché sur un mur de la classe contribuent à l'apprentissage. Dans une classe de géographie de 9e année, par exemple, on peut afficher des définitions de mots tels esker, toundra ou tectonique. Cela aide les élèves à se rappeler comment les mots s'écrivent et ce qu'ils signifient, puisqu'ils les ont constamment sous les yeux. «On a toujours dit que de la 1re à la 3e année, les élèves apprennent à lire et que de la 4e à la 12e année, ils lisent pour apprendre, mais c'est faux, surtout pour les élèves à risque. Nous devons continuer à leur enseigner des techniques d'assimilation des compétences linguistiques afin qu'ils puissent lire, écrire et comprendre pour réussir à l'école et dans la vie», ajoute Mme Costello. Des programmes sur mesureRita Mannella, titulaire de la chaire de langues à l'école secondaire St. Ignatius du conseil scolaire du district catholique de Thunder Bay, insiste sur le fait que «les compétences linguistiques, c'est l'affaire de tous les enseignants, pas seulement les enseignants d'anglais». L'an dernier, les enseignants de 9e année des cours appliqués et théoriques de St. Ignatius ont élaboré des plans de cours avec leurs collègues afin d'intégrer les compétences linguistiques à toutes les matières et d'assurer l'uniformité du langage et des attentes. Cette collaboration a permis aux élèves de mettre leurs compétences linguistiques en pratique dans toutes les matières. En juin, les enseignants de 9e année étaient capables d'identifier tous les élèves à risque et de dire quelles étaient leurs principales faiblesses. Cela a aidé Mme Mannella et ses collègues à élaborer le programme de compétences linguistiques de 10e année. Mme Manella a préparé un petit guide à l'intention de ses collègues en complément du Test of Reading and Writing Workbook de 96 pages. Son guide renferme des activités reliées aux cinq composantes de lecture et d'écriture du TPCL qui aident les enseignants à combler les lacunes des élèves de 9e année. Nous verronsLes résultats du TPCL de 2003 seront publiés à la fin de janvier. Nous verrons alors si ces stratégies ont porté leurs fruits. Une chose est sûre toutefois, les éducateurs de l'Ontario font tout pour aider les élèves à réussir dans le cadre du nouveau curriculum et du test de compétences linguistiques. Les programmes susmentionnés contribuent sans contredit à l'apprentissage. Le dévouement et l'innovation des éducateurs nous portent à croire qu'il y aura de moins en moins d'élèves à risque en Ontario. |